Hervé AMIOT, UMR Passages - Université Bordeaux Montaigne, France
L’approche spatiale des mobilisations (Pailloux, Ripoll, 2019) s’oriente autour de deux pôles principaux : l’étude de l’espace comme enjeu et celle de l’appropriation de l’espace dans un but contestataire. Les objets ont pour caractéristique d’être circonscrits dans l’espace (proximité spatiale entre les individus engagés, caractère « familier » (Norois, 2016) des lieux défendus) et dans le temps (grandes mobilisations qui font événement).
La mobilisation étudiée ici – celle des Ukrainiens de France face au conflit russo-ukrainien – est difficile à localiser (les enjeux ne sont pas des espaces, ou du moins, pas les espaces de vie des individus ; il n’y a pas de concentration résidentielle ou professionnelle ukrainienne en France) et est largement imbriquée au temps ordinaire des individus (mobilisation « à bas bruit », sans formes durables et médiatisées d’appropriation de l’espace). Ce caractère a priori moins localisé permet toutefois d’interroger une dimension présente dans tout mouvement social: la façon dont les individus « font avec la distance » (Ripoll, 2008, p. 84). Dans le cas présent : dans quelle mesure les émigrés et leurs descendants en viennent-ils à se mobiliser pour des enjeux distants, ne se déroulant pas dans l’espace de leurs pratiques ordinaires ?
M’appuyant sur un travail de terrain qualitatif et quantitatif mené aux côtés d’individus et de groupes ukrainiens en France entre 2017 et 2020, je montre que la mobilisation est conditionnée par une politisation du lointain, qui s’effectue tant dans des lieux virtuels que physiques, et qui résonne avec les socialisations politiques antérieures. Dans la phase de déploiement de la mobilisation, la distance est surmontée, moins par les pratiques de mobilité et de communication transnationales, que par la possession d’ancrages en France et en Ukraine ; ancrages qui sont fonction des capitaux sociaux, économiques et culturels des individus, et qui leur permettent d’investir certains lieux stratégiques.
Mots clés : mobilisation diasporique|spatialités|lieux|transnationalisme|conflit russo-ukrainien
A105284HA