Utiliser la caméra sur le terrain est un choix méthodologique qui engendre des attentes et des représentations. Loin d’être inerte, cet objet prend un sens, une fonction et une valeur qui transforme les interactions entre le chercheur et les sujets avec qui il travaille. A partir d’une analyse réflexive sur une recherche de 2 ans menée sur les relations chasseurs-chiens-milieu en Charente (France) ayant conduit à la réalisation d’un documentaire, je propose de présenter la manière dont la caméra a influencé mes interactions avec les chasseurs, leurs chiens et le gibier. L’outil vidéo offre une écriture géographique qui permet de faire ressentir la temporalité de ce qu’on filme au spectateur ou à la spectatrice, une temporalité que nous construisons tout au long de la recherche. Premièrement, j’expliquerai comment la caméra m’a obligé à m’adapter au rythme du terrain car, comme le remarquait Jean Rouch, le montage se fait déjà au moment de l’action, lorsqu’on choisit ce que l’on filme ou non. Deuxièmement, je parlerai de comment les chasseurs se sont adaptés à l’arrivée de cet outil et comment ils l’ont utilisé. En effet, la caméra leur offrait la possibilité de remonter le temps pour (re)voir un événement ou se (dé)placer dans l’espace et avoir accès à certains moments / scènes auxquelles ils n’avaient pas pu assister. Le temps de la recherche avec la caméra s’entrecroise alors avec d’autres temporalités, celles de l’activité - la chasse filmée, mais aussi celles de l’activité à venir – la chasse à préparer. Le film entrecroise aussi des temps vécus lors de la chasse par les différents acteurs - le chercheur/ les divers chasseurs/ les chiens/ le gibier. Troisièmement, je raconterai comment la présence de cet objet a parfois exercé une influence sur le déroulement de la chasse elle-même, les chasseurs attendant l’arrivée de la caméra pour immortaliser certaines actions comme la mise à mort de l’animal.
Mots clés : Caméra|Chasse|Méthode audiovisuelle|Interactions sociales|Temps de la recherche
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