D’une exploration à bas bruits à une reprise de soi : quand un doctorant prend la caméra à l’heure de la grande accélération
Les pratiques combinant les arts à la science se généralisent en sciences humaines et sociales pour enquêter autrement sur la « grande accélération » de l’anthropocène (Steffen et al., 2007) mais aussi pour engager un renversement de nos rapports affectifs à la Terre (Albrecht, 2021). Le développement remarqué des pratiques audiovisuelles en géographie (Chenet, 2019) peut sans doute aussi trouver à s’expliquer à l’aune de tels basculements. Les thèses de doctorat sont même de plus en plus encouragées à éprouver d’autres méthodologies de recherche (Erwein, 2015 ; etc.).
Mais chercher à apprivoiser la caméra, en tant que doctorant, ne se révèle pourtant pas sans risque. Dans le cadre de contrat à durée déterminée, être assigné à des rythmes également accélérés de production pour tenir les délais est largement convenu. Or, le développement de pratiques artistiques audiovisuelles dans la recherche peut être explorée en parfait amateur : en prise avec le réel (Niney, 2002), l’approche filmique implique donc de s’exposer à des temps de recherche difficiles à planifier (suivant les situations et enjeux recherchés, les contraintes techniques, etc.), confrontant le doctorant à d’autant plus de situations d’incertitude et de tâtonnements que des méthodes plus « classiques » et balisées.
Ces temps d’explorations audiovisuelles sont dès lors, personnellement, conduits à bas bruits, sans en rendre compte, provisoirement, à l’institution de recherche. Et force est de reconnaître que ces parenthèses exploratoires sont vécues comme un véritable moment de respiration, dans un « souci de soi » retrouvé (Foucault, 1984). L’hypothèse serait que la mise en lien direct avec le monde sensible et sensoriel par la pratique filmique pourrait conduire à réinterroger nos manières d’être, avec soi et les autres, à travers des temps resubjectivés. Les éléments présentés reposeront sur une expérience personnelle de doctorat en situation d’explorations audiovisuelles conduites en sourdine.
Mots clés : Accélération|Autoethnographie doctorante|Pratiques audiovisuelles|Souci de soi|Resubjectivation
A104163FL