Marion TILLOUS, Université Paris 8 - UMR LEGS, France
Eva SAN MARTIN, Université Paris 8 - UMR LEGS, France
Les politiques menées en réponse à la crise sanitaire ont eu, on le sait, pour effet de produire une aggravation immédiate et massive des violences conjugales (Viero et al. 2021), conduisant à ce que l’ONU Femmes a appelé une « pandémie-fantôme » derrière la pandémie de covid-19. Mais une enquête menée par nous en Isère et en Haute-Garonne sur la période mars 2020-mars 2021 montre que si le confinement a augmenté la vulnérabilité des femmes en couple face au risque de violences, il a eu un effet généralement inverse sur les femmes alors séparées de leur partenaire violent puisqu’il a réduit les possibilités pour l’agresseur d’entrer physiquement en contact avec elles. L’interdiction de se déplacer à plus d’1km de son domicile a limité la portée d’action des agresseurs (même s’ils sont peu enclins à respecter la loi) qui devaient pouvoir justifier d’un motif de déplacement en cas de contrôle policier. Avec l’arrêt du travail et la fermeture des écoles, les femmes ont pu vivre le confinement comme une bulle protectrice pour elles et leurs enfants éventuels, rétablissant un lien et retrouvant une tranquillité d’esprit mis à mal par les violences (malgré les difficultés de devoir assurer la continuité pédagogique).
L’expérience de ces femmes conduit donc à penser que ce n’est pas tant le départ des victimes qui garantit leur protection que le fait de maintenir l’auteur à distance : conclusion à laquelle arrivent d’autres recherches menées sur les violences conjugales et les féminicides pendant la période de la crise sanitaire (Asik & Nas Ozen 2021, Romito et al. 2021), et qui invite à réfléchir à la manière dont le confinement a pu être, contre toute attente, un facteur de droit à la ville pour les personnes victimes de la domination patriarcale. L’un des intérêts de fonder cette réflexion en termes de justice spatiale est de l’inscrire dans la continuité des travaux de géographies critiques à l’égard du système carcéral (Milhaud, 2017 ; Ollivon 2018).
Mots clés : covid-19|violences conjugales|droit à la ville|enquête qualitative|France
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