Perception des risques climatiques et stratégies de mobilité dans le delta du Nil. Confronter les discours d’experts et les pratiques émiques
Florian BONNEFOI, Université de Poitiers, CNRS, Migrinter / CEDEJ, France
Dans son discours d’ouverture de la COP26 en novembre dernier, Boris Johnson a cité Alexandrie et le delta du Nil comme des zones particulièrement vulnérables face aux changements climatiques et à la montée des eaux. Suite à la diffusion de ce message dans les médias égyptiens et sur les réseaux sociaux, certains enquêtés m’ont fait part de leur inquiétude quant à l’habitabilité de leur territoire. Ce discours de crainte est toutefois marginal. Si paysans et pêcheurs voient leurs conditions de vie et de travail se transformer, et souvent se dégrader, ils relient rarement ces mutations à des changements globaux. Ils tendent même à les minimiser. Par ailleurs, les autorités prônent la maîtrise des risques, elles développent même les zones les plus vulnérables dans une dynamique de littoralisation avec la création de villes nouvelles, générant donc des flux de population vers la côte méditerranéenne. Les campagnes égyptiennes ont une forte tradition migratoire depuis les années 1970 : vers les villes et notamment Le Caire, vers les pays du Golfe et vers l’Europe. Cependant, les facteurs économiques sont présentés par la population et les acteurs officiels comme prépondérants, alors même que certaines zones sont de moins en moins habitables du fait de la salinisation des sols ou des inondations à répétition. Au-delà des discours, le travail du géographe est alors de déceler le poids des facteurs environnementaux dans les stratégies de mobilité. Cette communication interrogera ce décalage entre discours d’experts, pratiques institutionnelles et perception émique du risque.
Cette communication s’appuie sur un terrain ethnographique de plusieurs mois dans le delta du Nil, sur des entretiens et discussions informelles avec des paysans, des pêcheurs, des habitants d’un côté et avec des universitaires et des membres d’organisations internationales de l’autre. Ce terrain est complété par une analyse de la presse arabophone sur les questions migratoires et environnementales.
Mots clés : Delta du Nil|Perception des risques|Migrations|Paysans|Pêcheurs
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