L’âme du bois. Arbres et bosquets comme nœuds de la trame rituelle de la ville d’Ibadan (Nigeria)
A Ibadan, ville d'environ trois millions d’habitants au sud-ouest du Nigeria, les arbres jouent un rôle rituel majeur. Peu nombreux dans un habitat densément peuplé, les grands et vieux albyzia, ficus étrangleurs, badamiers ou cordia d’Afriquese sont dotés par les citadins d’une agentivité doublée d’une force particulière, asé. Ils sont par ailleurs considérés comme abritant un certain nombre de « plus qu’humains » (Bubandt, 2018), génies sylvestres (oro, ajuonnu) ou sorcières, ajé. On trouve aussi à leur pied des autels dédiés aux orisa, entités du panthéon yoruba auxquelles nombre de citadins rendent des sacrifices. Pour toutes ces raisons, les arbres du centre historique d’Ibadan peuvent être considérés comme des nœuds ou des « points de suture » (De Boeck et Baloji, 2016) majeurs dans la trame rituelle de la ville, aux cotés d’autres autels pour les orisa, mais aussi de nombreuses églises et mosquées.
Cette présentation analysera les modalités de cette relation rituelle aux arbres urbains d'Ibadan. A rebours d’une conception naturaliste (Descola, 2005) des relations entre ville, située du côté de la culture, et végétal, rejeté du côté de la nature, il s’agira de réfléchir au rôle joué par les savoirs sur et les rapports aux arbres dans la définition des identités et des communautés citadines (Dorier-Apprill et Gervais-Lambony, 2007). En la matière, les pratiques et conceptions religieuses liées au végétal paraissent déterminantes, par leurs fortes tonalités ontologiques animistes, faisant des arbres des sujets citadins à part entière, à la fois appréciés et craints, et de ce fait souvent respectés et protégés. Toutefois, dans un contexte de forte pression sur le foncier, où la conception dominante de la modernité urbaine privilégie le béton sur le végétal (Choplin, 2020), et où les autres cultes préconisent la destruction des arbres habités par les « démons », on pourra s’interroger sur le devenir du végétal et des pratiques rituelles qui l’entourent à Ibadan.
Mots clés : Végétal|Ville |Rituel|Religion|Nigeria
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