Géraud MAGRIN, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / UMR Prodig, France
La région du lac Tchad est le décor où commence le roman Never (Pour rien au monde) de Ken Follett (2021) : une région violemment déshéritée, où le changement climatique fait disparaître le lac, aggrave la misère et fournit l’étincelle d’une troisième guerre mondiale.
Cette région du lac Tchad est une charnière ancienne de l’Afrique sahélienne : aire de polarisation du peuplement et d’échanges depuis la préhistoire jusqu’aux royaumes sahéliens, elle est aujourd’hui partagée entre quatre pays (Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad). Elle connaît des relations transfrontalières intenses, qui expriment des différentiels (écologiques et monétaires) ainsi que le fort potentiel agricole d’un espace où l’alternance de la crue et la décrue permet une pêche productive, la culture de céréales et de nombreuses plantes maraichères et fournit de riches pâturages au sein d’un Sahel aux ressources rares (Bouquet, 1990).
Depuis l’an 2000, cette région du lac Tchad a fait l’actualité mondiale de deux manières : d’une part, la variabilité environnementale fait craindre l’assèchement du lac sous l’effet du changement climatique. Si elle n’est pas scientifiquement reconnue, cette peur a favorisé une coopération régionale jusque-là difficile autour d’un projet de transfert d’eau depuis le bassin du Congo (Lemoalle et Magrin, 2014 ; Magrin, 2016). D’autre part, elle est le théâtre d’une des grandes crises géopolitiques contemporaines, liée à l’action de groupes djihadistes désignés sous le terme de Boko Haram, à l’origine depuis 2014 d’une grave crise régionale (Magrin et Pérouse de Montclos, 2018), qui l’a placée sous perfusion humanitaire.
Dans un Sahel où la vive croissance démographique menace les équilibres socio-politiques, quelle place tiennent les changements environnementaux dans ces conflits ? Les crises contemporaines et à venir peuvent-elles déboucher sur d’autres formes de régionalisation (Chauvin et Magrin, 2020) que celle de la vulnérabilité environnementale et de la violence ?
Mots clés : Lac Tchad|Changement climatique|Coopération régionale|Conflit
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