Gaëlle LACAZE, Sorbonne université, France
L’espace du corps constitue un « objet » récent en géographie française. En effet, les rares recherches de géographes français dans ce champ se fondent sur les travaux des sociologues (de Bourdieu à Le Breton), des anthropologues (de Mauss à Warnier), des philosophes (de Foucault et Baudrillard à Andrieu) ou des historiens (de de Certeau à Vigarello). Partant des questions de visibilité/invisibilité (cf. J.-C. Kaufmann), la géographie française interroge le corps comme « référent » et comme « médiateur » (Barthe-Deloizy, 2011 : 247). Elle a récemment développé une géographie des émotions, une approche sensible et phénoménologique.
Ma présentation montrera que la géographie questionne rarement la notion même de « corps » dont la relativité a été maintes fois démontré depuis les travaux de l’ethnologue-missionnaire M. Leenhardt (1878-1954) montrant que les Occidentaux ont « apporté » la conscience de soi et de son corps aux Kanaks de Nouvelle-Calédonie (cf. entre autres Naepels et Salomon [dirs.] 2007). Cette absence interroge, car nombre de géographes français utilisent par ailleurs les travaux de Philippe Descola sur les notions de « nature et culture » (2005) et l’existence de quatre ontologies. Ainsi, les constructions ontologiques de l’intériorité et l’externalité de l’humain servent les représentations de l’environnement et varient dans l’espace et le temps. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer le regard occidentalo-centré de la géographie du corps et l’imperméabilité des différentes approches géographiques : la diversité des démarches, un tournant culturel perturbant et des recherches principalement urbaines.
Enfin, ma présentation abordera comment les conceptions mongoles du corps, aujourd'hui issues d’une savante créolisation entre le chamanisme et le bouddhisme ou, entre « animisme » et « analogisme » (ibid.), influent l’organisation de la capitale mongole, la vie d’Oulan-Bator étant profondément marquée par la géographie de la mort.
Mots clés : géographie française|espace du corps|relativité culturelle|représentations symboliques|organisation spatiale
A103317GL