Justine GAGNON, Université Laval, Canada
Caroline DESBIENS, Université Laval, Canada
« Minashkuau-Atiku [le caribou forestier] a assuré notre survie sur le territoire pendant des millénaires. C’est à notre tour de le protéger. » Portés à l’avant-scène dans la foulée des débats actuels au Québec (Canada) sur la désignation d’aires protégées et de conservation autochtones (APCA) dans ce qu’il est convenu d’appeler la « forêt commerciale », ces mots prononcés par un membre de la Première Nation Innue de Pessamit font état d’un renversement des rapports entre humains et non-humains face à la désintégration de la biodiversité. En effet, alors que la population de cervidés localisée dans le secteur du réservoir Pipmuakan (région de la Haute Côte-Nord) accuse un recul constant depuis des décennies en raison de l’intensification des activités forestières, la communauté de Pessamit se voit obligée de renégocier ses relations avec cet animal dont le caractère sacré est intimement lié à l’expérience de sa chasse, dorénavant impraticable. Elle a à cet effet lancé, en novembre 2020, un projet d’aire protégée regroupant à la fois les derniers couverts forestiers intacts et certains paysages culturels d’importance pour la Première Nation.
Dans le cadre de cette présentation, nous verrons comment la relation contemporaine au caribou chez les Innus de Pessamit invite à réfléchir aux catégories dominantes en matière de conservation qui, même lorsqu’elles présument l’indissociabilité de la nature et de la culture, participent bien souvent d’une dissolution du sacré. En tant que bastion de la survie culturelle et spirituelle des Innus, Minashkuau-Atiku parviendra-t-il à repousser les limites de la conservation dans ses formes encore largement admises ? De quelles façons la protection de ce mince cheptel pourrait-elle entraîner une compréhension élargie des paysages culturels innus et ainsi assurer la pérennité des écosystèmes qui y sont associés? C’est ce que nous proposons d’explorer à partir des outils de la géographie culturelle et des méthodes participatives.
Mots clés : Caribou forestier|Ontologie innue|Relations nature/culture|Paysage culturel|Conservation
A103228JG