Couramment considérée comme éphémère, la friche est une figure inhérente à toute mutation territoriale. Apparaissant, puis disparaissant dans les temps de la production urbaine, la figure polymorphe de la friche est communément admise comme un espace résiduel attendant la mise en œuvre de projets d’aménagement ou d’urbanisme (Andres, 2008). Pourtant, les lieux désignés sous ce terme sont criblés de traces qui permettent de retracer l’histoire des territoires urbanisés et industrialisés. Ces espaces en friche sont, par leurs composantes paysagères, architecturales et sociales, des lieux de continuités et d’héritage de temps bien plus longs de la ville. Cependant, les représentations d’éphémère et d’impermanence de la friche sont symptomatiques des attentions qui leurs sont portées (Demailly, 2014). D’une part, la friche est un espace délaissé par les pouvoirs publics, car ils voient ces espaces comme des vides et ils les emploient au gré de leurs improvisations (Soubeyran, 2014). D’autre part, de multiples acteurs les convoitent car ils s’attachent à leurs ressources et à leurs significations (Inter-friches, 2021). Aussi, les représentations contradictoires de ces lieux témoignent du rôle de la friche comme objet de mémoire et de conflits de la production urbaine (Mattoug, 2021) : dans quelle mesure la friche est-elle une figure de l'éphémère, en tension entre délaissement et convoitise des territoires en mutation ?
Cette contribution s’attachera à confronter les caractères spatiaux et sociaux d’espaces en friche dans la banlieue parisienne. Les résultats de l’enquête paysagère et sociale menée entre 2015 et 2021 mettent en lumière l’ambiguïté de la mémoire sociale et politique de la friche dans un contexte de mutation territoriale. Afin de répondre à des besoins aménagistes, la réécriture de l’histoire d’un lieu contribue à construire la représentation d’éphémère d’un ensemble patrimonial.
Mots clés : friches urbaines|représentations|héritage|mémoire|mutation territoriale
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