Brunna CRESPI, Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, France
Au Timor-Leste, comme partout dans l’Est insulindien, les sociétés tendent à trouver leurs repères identitaires dans des références spatiales plutôt que dans des récitations généalogiques. Fox (2006 : 89) évoque le concept de topogeny pour définir cette caractéristique qu’il attribue aux sociétés austronésiennes, mais qui semble se retrouver aussi dans beaucoup d’autres types de sociétés ailleurs dans le monde.
A l’échelle des clans, l’identité est surtout liée aux lieux où sont passés les ancêtres, où ils se sont installés, ces étapes antérieures de la migration constituant selon Guillaud (2014 : 28) « une route symbolique dont la connaissance fournit la carte d’identité du lignage », ancrée dans la mémoire collective de chaque clan à partir des récits d’origine et de peuplement des lieux.
A Kamanasa, village au Timor-Leste où j’ai fait mes recherches doctorales, ces lieux sont enregistrés dans la mémoire collective et transmis par l’histoire orale de chaque clan du village, qui par conséquent a une relation forte avec ce territoire (Crespi 2018). Selon McWilliam (2006 : 103), les orateurs qui racontent l’histoire « peuvent utiliser un riche complexe de représentations collectives et de métaphores pour créer et légitimer des imaginaires des lieux, des événements, des mouvements et des relations dans le paysage ». Ainsi, quand un orateur déclame l’histoire de son groupe, il utilise des repères dans l’espace et dans le temps, la ligne du temps étant basée sur la séquence des lieux par lesquels sont passés les ancêtres.
Le maintien de l’intégrité du territoire et de sa symbolique revêt donc une importance essentielle pour l’identité des groupes. Son fonctionnement et sa gestion sont ainsi particulièrement importants, et procèdent de la plus grande sacralité.
Mots clés : Timor-Leste|topogeny|lieux sacrés|identité|êtres de l'au-delà
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