Etienne WALKER, UMR 6590 Espaces et Sociétés, France
Davantage considéré dans l’étude des mobilisations (Pailloux & Ripoll, 2019) en tant que « cadre » (Briquet & Sawicki, 1989) ou « enjeu » (Auyero, 2005) de celles-ci, l’espace reste peu mobilisé pour saisir l’engagement à l’aune des trajectoires militantes. D’autre part, l’approche biographique n’intègre la dimension spatiale qu’accidentellement, ou le fait pour éclairer des socialisations non spécifiquement politiques (Cayouette-Remblière et al., 2019). Le réinsérant au sein de « l’espace social localisé » (Laferté, 2014), nous analysons ici l’engagement au sein du mouvement des Gilets jaunes de quelques Ornais au travers de la dimension spatiale de leur socialisation antérieure, de cet engagement-même et de ses conséquences biographiques. La faiblesse des mobilités professionnelles ou le déclassement qui leur a succédé produisant cela, se dégage tout d’abord le fort ancrage local des participants, à la fois vecteur d’engagement et de légitimation de celui-ci – i.e. « capital social de proximité » (Ripoll, 2010). Altérisant fortement la figure du « casseur » comme du responsable politique parisiens, l’engagement est conventionnel quoique bien disruptif localement, et marqué par l’appropriation locale de l’infrastructure routière et des marges commerciales, emblématiques d’un style de vie populaire mobilitaire (Walker & Blavier, 2021). Avec l’essoufflement du mouvement et les enjeux de respectabilité locale induits, des désaccords internes autour de ces modes d’action expliquent un désengagement marqué par le repli vers d’autres espaces militants voire résidentiels. Au-delà de contribuer à la connaissance des classes populaires non-métropolitaines et de leur rapport au politique, nous répondons ainsi plus largement aux invites à considérer la dimension spatiale et notamment scalaire des capitaux (Ripoll, 2013) comme de l’organisation politique (Pailloux & Ripoll, 2019), mais encore à l’hypothèse d’une croissante « politisation du proche » (Dechézelles & Olive, 2019)
Keywords: mouvements contestataires|dimension spatiale|approches biographiques|socialisation|Gilets jaunes
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